Pourquoi “féministe” faisait-il peur dans les années 70 ? Plongée historique

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Les années 70 ont marqué un tournant décisif dans l’histoire des luttes féministes. Une époque où le mot « féministe » était un véritable tabou, déclenchant crainte et animosité au sein de la société. Pourquoi un simple adjectif a-t-il suscité tant d’angoisse ? Pour comprendre cette peur, il est impératif d’explorer le contexte historique, culturel et social de l’époque, ainsi que les luttes spécifiques des femmes qui ont redéfini les normes de la société.

En premier lieu, il faut reconnaître que les années 70 étaient empreintes d’un esprit de contestation. La Deuxième Vague du féminisme émergeait, animée par des revendications radicales. Les femmes, jusque-là reléguées à des rôles subalternes, aspiraient à une autonomie totale. Leur désir d’émancipation était perçu comme une menace. Une menace non seulement pour les structures patriarcales mais aussi pour la stabilité sociale. Les discours de la période reflètent une anxiété face à une transformation des relations de genre. Les hommes, souvent perçus comme les gardiens de l’ordre établi, voyaient dans le féminisme un déferlement d’agressivité et une remise en question de leur statut.

D’un point de vue sociologique, la peur du féminisme s’enracine également dans la représentation médiatique de cette époque. Les médias ne recouraient que très rarement à des voix féministes, et lorsqu’ils le faisaient, c’était souvent pour en faire des caricatures. Les féministes étaient dépeintes comme des femmes amères, désabusées, en lutte contre leur propre nature. Cela a nourri une image négative, contribuant à l’opprobre à l’égard du mouvement. Les images de femmes en colère, brandissant des pancartes, ont renforcé l’idée que le féminisme était synonyme de division plutôt que d’unité. Les inégalités entre les sexes se trouvaient ainsi amplifiées par un discours biaisé, où les revendications légitimes des femmes n’étaient que rarement prises en considération.

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Une des raisons qui provoquaient une telle aversion réside dans le fait que le féminisme des années 70 ne se limitait pas à des revendications pour des droits de base, mais proposait une déconstruction radicale des rapports de pouvoir. Les féministes interrogeaient les normes de la famille nucléaire, la sexualité, le rôle de la femme dans la sphère publique et privée. Ce questionnement profond et dérangeant du statu quo éveillait une vulnérabilité chez les conservateurs, qui appréhendaient le démantèlement brut du modèle bourgeois traditionnel. En plaçant la question de genre au centre des préoccupations sociales, les féministes attisaient la peur de l’éclatement des structures familiales, considérées comme la pierre angulaire d’une société stable.

De plus, le contexte politique mondial, marqué par des luttes anticoloniales et des mouvements de droits civiques, a également façonné cette perception du féminisme comme étant menaçant. Les idéologies de gauche, qui émergèrent dans ce contexte, résonnaient avec les femmes en quête d’une voix politique. Cependant, cette insurrection idéologique était souvent perçue comme désordonnée et anarchique par une société qui craignait le changement. Le féminisme était, pour beaucoup, synonyme de rébellion contre toute forme d’autorité, exacerbant ainsi la peur des conséquences sociales de cette libération.

Les discours féministes étaient aussi souvent associés à d’autres mouvements, tels que l’antiracisme ou l’écologisme, et cette intersectionnalité amenait les femmes à revendiquer non seulement des droits, mais un changement sociétal intégral. Les détracteurs du féminisme ressentaient cela comme une guerre sur tous les fronts. L’ambition féministe d’abolir non seulement le patriarcat mais toutes les formes d’oppression, engendrait un malaise profond, particulièrement chez ceux qui bénéficiaient du statu quo.

Il est aussi crucial de considérer le patriarcat non seulement comme un système de domination mais comme une culture oppressante intégrée à la vie quotidienne. Les résistances à cette culture s’incarnaient par les luttes féministes, que ce soit à travers le droit à l’avortement, l’égalité salariale ou la lutte contre les violences faites aux femmes. Ces revendications, bien que fondamentales, étaient considérées comme des invasions du domaine privé, compromettant l’harmonie sociale selon les normes d’époque.

Pourtant, cette peur, loin de tarir le mouvement, a plutôt servi de combustible. Les féministes des années 70, armées de leurs revendications et de leur volonté de changement, ont fait voler en éclats ces stéréotypes. Leur audace à contester les préjugés, à s’emparer du discours public et à revendiquer leur place dans la société a permis d’amorcer des transformations qui sont encore visibles aujourd’hui. Paradoxalement, cette peur a contribué à la légitimation du féminisme comme un vecteur de changement nécessaire.

En conclusion, comprendre pourquoi le mot « féministe » suscitait tant de peur dans les années 70 part de l’exploration d’un contexte historique complexe. La méfiance envers ce mouvement émergeait d’un affrontement avec des structures de pouvoir profondément ancrées, d’une image déformée dans les médias et d’une volonté désireuse de déstabiliser un ordre établi. Aujourd’hui, alors que le féminisme continue d’évoluer dans ses luttes et ses revendications, il est crucial de se remémorer cette période afin de poursuivre la lutte pour l’égalité des sexes en toute connaissance de cause.

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