Pourquoi les 18-25 ans en veulent aux féministes ? Génération en tension

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Dans un monde en perpétuelle évolution, les tensions intergénérationnelles prennent parfois des formes surprenantes et dérangeantes. Parmi elles, le ressentiment que les jeunes de 18 à 25 ans éprouvent à l’égard du féminisme mérite une attention particulière. Pourquoi cette génération, qu’on qualifie souvent de progressiste, semble-t-elle en avoir tant après le mouvement ? De la révolte contre les stéréotypes aux attentes déçues concernant l’égalité, divers éléments complexes et nuancés façonnent cette antipathie naissante.

Tout d’abord, il est essentiel de comprendre le contexte socio-culturel dans lequel évoluent les jeunes. Élevés dans une ère où l’accès à l’information est exponentiellement facilité, les 18-25 ans sont en proie à une désillusion face à des discours féministes jugés, par certains, comme dépassés ou obsolètes. Le féminisme, tel qu’il est souvent présenté, se heurte à un mur de scepticisme. Ce dernier est exacerbé par des réseaux sociaux où chaque opinion peut être amplifiée — et souvent déformée. Les représentations caricaturales du féminisme, où les féministes sont vues comme des « man-haters » ou des perfides auteures de la « cancel culture », nourrissent ce ressentiment.

Il est aussi crucial de parler de la crise identitaire qui sévit chez ces jeunes adultes. Dans leur quête d’identité, beaucoup d’entre eux s’insurgent contre le poids des étiquettes. Le féminisme devient alors un bouc émissaire. La génération Z, qui prône l’inclusivité, trouve parfois en ce mouvement des postures jugées trop rigides. Les luttes pour les droits des femmes sont souvent perçues comme un privilège supplémentaire accordé à un groupe déjà favorisé. Ce discours de victimisation, alimenté par les luttes antiracistes et LGBTQ+, crée une dichotomie douloureuse : pourquoi une lutte éclipserait-elle une autre ? En cherchant à défendre des causes multiples, l’impression de compétition entre les luttes s’intensifie.

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Ainsi, l’un des principaux axes de cette tension est l’onde de choc que provoquent les revendications féministes sur le plan socio-politique. Les jeunes sont acculés à choisir leur camp. Les féministes, en appelant à la reconfiguration des structures patriarcales, deviennent parfois les antagonistes de ceux qui s’attachent à défendre d’autres luttes de justice sociale. Cette polarisation crée un sentiment de frustration. Pourquoi des filles de leur âge s’érigent-elles en défenseurs acharnés de la cause des femmes, quand eux-mêmes ressentent l’oppression à travers d’autres prismes ?

Ce sentiment de dualité s’aggrave quand les jeunes hommes, en particulier, ressentent une perte de leur identité face à un féminisme jugé menaçant. Le discours sur les privilèges masculins peut en effet engendrer une réaction défensive. Nombreux sont ceux qui se sentent en difficulté pour exprimer leur vulnérabilité, leur souffrance ou leurs combats personnels, pris dans une toile d’accusations de privilèges et de toxicité. Ce paradoxe conduit certains jeunes à adopter une position anti-féministe, repliant leurs luttes sur eux-mêmes plutôt que de s’engager dans un dialogue constructif.

Mais le féminisme ne doit pas tomber dans le piège de la victimisation. Au contraire, il doit devenir un chant collectif qui embrasse et soutient des identités diverses. Pour les 18-25 ans, opérer une recontextualisation de ce mouvement est impératif. Le féminin ne doit pas être synonyme d’exclusion. Une intégration complémentaire des diverses luttes pourrait offrir une stabilité et une solidarité dont cette génération a cruellement besoin.

Un autre facteur déterminant dans cette querelle générationnelle réside dans les modèles médiatiques proposés par le féminisme. Trop souvent, le féminisme moderne semble s’afficher comme un club fermé, propulsant des figures charismatiques, mais éloignées des préoccupations quotidiennes de ces jeunes adultes. Les jeunes se heurtent à des idéaux qu’ils jugent inaccessibles, ce qui alimente leur rancœur. Les exemples trop brillants éludent les réalités de la classe ouvrière ou des classes moyennes. Ce fossé entre aspirations et la réalité vécue éclipse par ailleurs les vraies réussites du féminisme, les véritables victoires qui devraient unir les luttes.

En outre, l’ubérisation de la société et l’émergence de conditions de travail précaires entravent la capacité des jeunes à se projeter dans un avenir où le féminisme pourrait jouer un rôle central. Leur incapacité à se projeter dans des scénarios positifs les pousse à se détourner des luttes qui semblent déconnectées de leur quotidien. Comment s’engager pour l’égalité salariale quand la peur de la précarité est omniprésente ? L’aspiration à un changement systémique se heurte à une réalité intrusivement consumériste, où chaque individu vogue dans des batailles solitaires pour la survie.

Pour surmonter cette crise de relation entre le féminisme et les jeunes, il est urgent de réinventer, de renouveler les discours et les actions. Tout d’abord, le féminisme doit se reconnecter avec ses racines inclusives, embrassant toutes les luttes et énonçant avec clarté ses valeurs fondamentales. Les figures féministes doivent être quelque peu désacralisées et replacées au sein d’un large éventail de perspectives, rendant ainsi le mouvement accessible et pertinent pour tous.

Pour conclure, le ressentiment que les 18-25 ans nourrissent à l’égard des féministes est un reflet des tensions, des questionnements et des frustrations au sein de notre société actuelle. Le chemin vers un féminisme reconstruit et inclusif est semé d’embûches, mais il pourrait bien devenir le phare qui guidera cette génération vers l’une des luttes les plus essentielles de notre temps : celle pour l’égalité véritable, au-delà de toutes les fractures.

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